Au Sahel, les enseignants font leur rentrée dans la peur

À l’occasion de la Journée internationale des enseignants, nous tenons à mettre en lumière le quotidien de ceux qui exercent leur métier dans des conditions sécuritaires parfois très difficiles, comme c’est actuellement le cas au Sahel. Malgré les risques, ils restent dévoués et fidèles au poste.

La rentrée scolaire 2021-2022 s’effectue dans un contexte de crise sécuritaire et sanitaire au Mali. À la veille du retour en classe des élèves, Daouda Doumbia, directeur de l’Académie d’Enseignement de Mopti – où Aide et Action met en œuvre deux projets – témoigne du contexte actuel : « La crise sécuritaire a touché tous les secteurs de développement dans la région de Mopti, dont l’éducation. Le droit à l’éducation est aujourd’hui menacé dans les régions du centre du Mali où la région de Mopti est devenue l’épicentre de la crise sécuritaire avec pour corollaire la fermeture des centaines d’écoles, d’autres structures d’apprentissage engendrant le déplacement des enseignants avec les populations des zones affectées vers des localités relativement sécurisées.»

Les enseignants, cibles des terroristes

Dans la région de Mopti, depuis 2015, le système éducatif reste durement affecté à cause de l’insécurité et les conflits intercommunautaires. Ainsi, l’Académie d’Enseignement a enregistré, à la date du 31 juillet 2021, 263 écoles non fonctionnelles affectant 17 449 enfants (8 733 garçons et 8 716 filles) et 437 enseignants. 

Les groupes armés exercent des menaces sur des enseignants dans les zones sous leur influence. Ces trois dernières années, plusieurs d’entre eux ont été enlevés par des groupes armés dans les localités de Ténenkou, Djenné et Korientzé. Aujourd’hui encore, quatre enseignants en service sont toujours en captivité par les groupes armés hostiles à l’école. Pire, la fermeture des écoles ne suffit pas toujours à protéger les communautés ; des infrastructures scolaires ont été détruites et les mobiliers scolaires et les matériels pédagogiques ont été incendiés dans les certaines localité.

Dans ce contexte extrêmement tendu, exercer le métier d’enseignant dans la région du Sahel relève parfois d’un acte de bravoure. Au Niger et au Burkina Faso, la situation se dégrade aussi au fil du temps puisque, dans ce dernier pays, 10% des établissements scolaires sont actuellement fermés pour raisons sécuritaires. 

“Une menace à la porte de notre école

«J’aborde cette rentrée avec beaucoup de peur parce que mon école est située à 35 kilomètres de Manni et à 5 kilomètres de Mopienga où les terroristes ont incendié l’école de la localité, témoigne Assibidi Lankoande, directeur de l’école primaire publique de Dassari. Cela constitue une menace à la porte de notre école.  Nous avons besoin de mesures de sécurité pour nous permettre de travailler sereinement. Si rien n’est fait, le risque de voir nos 180 élèves dans la nature est réel. Nos attentes vis-à-vis des autorités est un appel à la sécurisation de la zone afin que les cours puissent reprendre. Quant aux partenaires, nous sollicitons la poursuite de leurs soutiens à l’instar d’Aide et Action à travers ses projets en faveur de l’éducation. L’année dernière, notre école, sous la menace des terroristes, a été fermée avant la fin de l’année scolaire et grâce aux partenaires, notamment Aide et Action, nos élèves en classe d’examen ont été déplacés à Manni, chef-lieu de la commune, pour préparer les examens de fin d’année. Nous avons eu un taux de réussite de 100% au Certificat d’Etudes Primaires (CEP). »

Alors que les enseignants restent encore trop souvent seuls et démunis face à leurs difficultés de terrain, des mesures et des moyens urgents et essentiels sont attendus pour les aider dans leur mission et leur donner, enfin, les moyens de devenir les piliers d’un système éducatif inclusif et de qualité. Plus que jamais, en tant de crise, le rôle tant pédagogique que social de l’enseignant mérite d’être appuyé et mis en lumière.

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