“Chaque enfant a le droit à l’éducation et l’État a l’obligation de rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit”. Ce sont les mots inscrits dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, adoptée par les Nations Unies en 1989. Pourtant, à l’heure actuelle, 1 enfant sur 10 en âge de fréquenter l’école primaire n’est pas scolarisé*. Pourquoi tant d’enfants sont encore privés de ce droit fondamental ? Si les inégalités économiques figurent parmi les raisons les plus évidentes, les enfants se heurtent à bien d’autres barrières. Parmi elles, les conflits armés, les discriminations ou encore les catastrophes climatiques. En toile de fond, un problème commun : le manque de financement alloué par les États.
Quand le sous-financement creuse les inégalités dans l’éducation
Le manque de financement compromet l’éducation de millions d’enfants à travers le monde. Faute d’école à proximité de leur domicile, de nombreux enfants sont contraints de renoncer à l’école ou de parcourir plusieurs kilomètres chaque jour pour s’y rendre. La présence d’une école ne garantit pas pour autant l’accès ni la qualité de l’éducation. Infrastructures inadaptées, manque de matériel pédagogique, absence d’eau potable ou de cantine scolaire : de telles conditions entravent la scolarité des élèves et leurs capacités d’apprentissage. Enfin, un pré-requis essentiel à une éducation de qualité, à savoir la présence d’enseignant.e.s qualifiées, n’est que rarement rempli. Il s’agit là d’une pénurie mondiale : il manque 44 millions d’enseignant.es pour parvenir à une éducation primaire et secondaire universelle d’ici 2030, dont 15 millions en Afrique subsaharienne**. Sans corps enseignant qualifié, formé et impliqué, il est tout simplement impossible d’offrir un enseignement de qualité. Cette crise donne lieu à des situations parfois extrêmes, comme des classes composées de 100 élèves pour un.e seul.e enseignant.e.
Pour aller plus loin, écoutez le podcast d’Action Education qui traite des obstacles à l’éducation :
Pauvreté : des inégalités face aux coûts “cachés” de l’éducation
Si l’on se réfère au droit international, chaque enfant doit pouvoir accéder à une éducation gratuite de la maternelle jusqu’au cycle secondaire. Mais en réalité, la scolarité d’un enfant n’est jamais gratuite. Frais d’inscriptions, fournitures scolaires, uniformes : voilà certains coûts que doivent assumer les familles souhaitant scolariser leur enfant. Pour de nombreuses familles confrontées à l’extrême pauvreté, ces dépenses sont tout simplement impossibles à assumer. L’existence de coûts indirects, tels que des frais de transport, ne fait qu’alourdir la charge financière. La pauvreté extrême contraint par ailleurs certaines familles à envoyer leur enfant travailler pour améliorer leurs revenus. Selon les dernières estimations, 160 millions d’enfants dans le monde sont contraints de travailler*** et ne peuvent suivre une scolarité normale. Enfin, l’insécurité alimentaire est une cause majeure de faible scolarisation, d’absentéisme et d’abandon scolaire. Un enfant qui n’a pas accès à un repas nutritif chaque jour développe des carences ou des problèmes de santé qui l’empêchent de suivre une scolarité normale.
Discriminations : les filles, premières victimes des inégalités
Les filles sont les premières à être privées d’une éducation, en raison de leur genre et du rôle qui leur est assigné. Selon les estimations, 9 millions de filles dans le monde en âge de fréquenter l’école primaire n’iront jamais à l’école (Unesco, chiffres 2023).
Mariages forcés, grossesses précoces, assignation au travail domestique et violences les empêchent d’accéder à l’éducation ou de suivre une scolarité normale. Pour celles qui ont la chance d’être scolarisées, les tabous persistants autour des règles constituent un frein supplémentaire. La stigmatisation, l’absence de sanitaires adaptés et le manque d’accès à des protections périodiques conduisent souvent à l’absentéisme voire à l’abandon scolaire. En Afrique subsaharienne, il est estimé qu’1 fille sur 10 ne va pas à l’école quand elle a ses règles (Unicef, 2014). Premières concernées par les lacunes éducatives, les filles voient leur développement et leur épanouissement compromis.
L’intersection du genre avec d’autres facteurs de discriminations ou d’autres inégalités exacerbe d’autant plus l’exclusion sociale. Par exemple, une fille en situation de handicap sera doublement sujette à l’isolement, à la stigmatisation et à la discrimination. En 2021, on estimait à près de 240 millions le nombre d’enfants en situation de handicap dans le monde****. Discriminations, manque d’infrastructures adaptées, absence de soutien pédagogique spécialisé : nos sociétés validistes érigent de multiples obstacles. Les chiffres sont alarmants : les enfants en situation de handicap ont 49 % plus de risques de ne jamais être scolarisés et 42 % de moins de chances de maîtriser les compétences de bases en lecture et en calcul (Unicef, 2021).
Situations de conflits ou de crises : un défi majeur en 2025
Lorsque des conflits ou des crises éclatent, les écoles sont souvent les premières structures à être détruites ou fermées, privant ainsi des millions d’enfants de leur droit à l’éducation. Selon les estimations de l’Unicef, plus de 473 millions d’enfants vivent actuellement dans une zone touchée par un conflit. Plus de 52 millions d’entre eux seraient déscolarisés. Des déplacements massifs de populations accompagnent généralement ces crises. Dans les camps où ils vivent, les enfants réfugiés ou déplacés internes n’ont souvent aucune possibilité de poursuivre leur éducation. Enfin, les traumatismes physiques et psychologiques les éloignent encore un peu plus de l’école. Au Burkina Faso, la situation sécuritaire liée aux attaques terroristes a entraîné une fermeture massive d’écoles. En 2020, plus de 3000 écoles ont dû fermer à cause de l’insécurité, privant près d’un million d’élèves de leur droit à l’éducation.
Crise climatique : les populations vulnérables en première ligne
Des millions d’enfants dans le monde, principalement issus des pays les plus vulnérables, sont exposés à des phénomènes climatiques extrêmes. Feux de forêt, inondations et cyclones
entraînent non seulement la destruction d’écoles et d’habitations, mais aussi des déplacements massifs de populations. En 2022, les phénomènes météorologiques extrêmes auraient entraîné un nombre record de 32 millions de déplacements internes, selon l’Observatoire des situations de déplacement interne. Pour les enfants affectés par ces catastrophes, maintenir l’accès à l’éducation devient un véritable défi.
Quelles réponses ?
Les obstacles à l’éducation sont multiples et influencés par des facteurs sociaux, économiques et géopolitiques complexes. Sans éducation de qualité, aucun progrès social, économique et politique n’est possible. La non-scolarisation contribue à perpétuer le cycle de pauvreté, empêche les enfants d’être informés de leurs droits et réduit leurs chances de se construire un avenir meilleur. Une éducation de qualité pour toutes et tous est la clé pour combattre les inégalités et construire un monde plus pacifique et durable. Une mobilisation urgente s’impose pour placer l’éducation au cœur des priorités nationales et mondiales, en allouant des financements à la hauteur des défis actuels.
*Unesco, chiffres 2023 **Rapport mondial sur les enseignants 2024, Unesco ***OIT, chiffres 2023 ****Rapport global de l’Unicef, 2021