Face au travail des enfants, augmentons les dépenses pour une éducation gratuite et de qualité !

10 juin 2022

Crédit photo: Naïade Plante

Pour la première fois en 20 ans, le travail des enfants dans le monde augmente. Alors que la hausse annoncée de la pauvreté risque encore d’aggraver la situation, Aide et Action demande aux gouvernements de prendre des mesures urgentes, parmi lesquelles une éducation gratuite, publique et de qualité pour toutes et tous, pour lutter efficacement contre le travail forcé. 

2021 devait être l’année internationale de l’élimination du travail des enfants. Elle restera en fait dans les annales comme l’année où le travail des enfants a pour la première fois augmenté depuis plus de deux décennies. Un rapport¹ révélait en effet l’an passé que le nombre d’enfants au travail, qui n’avait eu de cesse de baisser au cours des deux dernières décennies, avait augmenté de 8.9 millions au cours des 4 dernières années seulement, passant de 152 à 160 millions d’enfants au travail. Soit 1 enfant sur 10 dans le monde. Le choc d’une telle nouvelle aurait dû avoir l’effet d’un coup de semonce et forcé gouvernements et citoyens à prendre leurs responsabilités et à se mobiliser. Mais une année après ce constat dramatique, le fléau du travail des enfants continue de se répandre tel une épidémie sans qu’aucun vaccin ne soit à l’ordre du jour. Pourtant, le travail des enfants n’a rien d’une fatalité et des solutions très concrètes existent pour y remédier. 

Une cause avérée : la pauvreté extrême

Le travail des enfants a pour principale cause la pauvreté extrême. Elle contraint les familles démunies, le plus souvent à contre-cœur, à mettre leurs enfants au travail pour améliorer leurs revenus. Au cours de la dernière décennie, la multiplication des crises économiques, l’aggravation des conflits et l’inefficacité des politiques économiques et sociales dans de nombreux pays ont conduit à une augmentation du nombre de ménages vivant avec moins de 1,90 dollar par jour et corollairement à une hausse du travail des enfants. La pandémie² de COVID-19 et les mesures de restrictions sociales, qui ont brutalement entraîné un ralentissement brutal de la croissance mondiale, une hausse drastique du chômage et privé des millions de personnes de moyens de subsistance, ont assené un coup fatal. 

La Covid-19 : facteur d’aggravation

Pour les populations les plus vulnérables qui n’ont accès à aucune protection sociale, le choc a été d’une violence extrême. Plus de 200 millions de personnes supplémentaires ont ainsi basculé dans l’extrême pauvreté suite à la pandémie. Et ce nombre pourrait atteindre 1 milliard d’ici à 2050. A la hausse de la pauvreté, les familles ont aussi été confrontées à la fermeture des écoles. Pendant plusieurs mois, la COVID-19 a donc rendu les enfants et les jeunes plus vulnérables au travail des enfants. Face à des enfants oisifs, n’ayant pas même de cours à distance, les familles ont vu en leurs enfants une opportunité de gagner un peu d’argent. Les filles ont elles été particulièrement sujettes au travail domestique. Condamnées à rester à la maison, elles ont écopé d’un nombre croissant de tâches culinaires, ménagères et de garde d’enfants. Aujourd’hui on estime que 24 millions d’enfants et de jeunes, parmi lesquels 11 millions de filles (UNESCO, 2020), ne reviendront pas à l’école en raison de la hausse de la pauvreté liée à la COVID-19. A l’heure qu’il est, malgré les alertes répétées des experts, organismes internationaux, seuls 3% des plans de relance ont été alloués à l’éducation. Ces enfants et d’autres seront donc privés d’éducation, mis au travail de force, et rentreront à leur tour dans le cercle vicieux de la pauvreté extrême sans possibilité aucune d’en sortir. 9 millions d’enfants supplémentaires risquent d’être poussés vers le travail d’ici la fin de 2022 en raison de la pandémie. Ils pourraient être 46 millions³ s’ils n’ont pas accès à une couverture de protection sociale indispensable. Les nouvelles crises économiques, catastrophes climatiques ou pandémies ne manqueront pas de faire basculer des millions de personnes dans une pauvreté toujours plus extrême. Les enfants seront donc davantage mis au travail dans des conditions potentiellement dégradées, tandis que beaucoup d’autres pourraient être contraints aux pires formes de travail. Ce scénario catastrophe peut et doit être évité. 

Un scénario catastrophe à éviter à tout prix

« Vivre de la pêche est devenu extrêmement difficile depuis trois ans. Avant je pouvais gagner jusqu’à 25 dollars par jour, maintenant, si je gagne 10 à 12 dollars, c’est bien. Il y a des jours où je ne gagne rien. Notre situation financière est dramatique. Après la classe, mon fils ramasse des canettes vides à vendre pour gagner une petite somme pour l’école, mais ce n’est plus suffisant. Beaucoup d’enfants font ça, donc il y a peu à trouver et à revendre » témoigne Kin Bun, 37 ans, pêcheur dans le village de Koh Kchorng, au Cambodge. Pour faire face à ces situations dramatiques, Aide et Action permet aux populations les plus vulnérables de se former à de nouveaux moyens de subsistance pour améliorer leurs revenus et propose des bourses scolaires, payant les frais d’inscription, les uniformes, le matériel, et même la nourriture, pour maintenir à tout prix les enfants à l’école. Mais cela ne suffira pas. Aide et Action demande donc aux gouvernements de reconnaître en urgence l’ampleur du problème et ses conséquences sur des millions de familles et d’enfants et de mettre en œuvre, au-delà des structures légales et réglementaires (âge minimum du travail, conditions de travail, outils et mécanismes pour contrôler le travail des enfants), des politiques qui proposent aux familles des activités qui leur permettent de vivre décemment sans recours au travail des plus jeunes, de mettre en place une couverture sociale universelle, de multiplier les campagnes d’informations pour sensibiliser aux dangers du travail des enfants. Plus que tout, les gouvernements doivent enfin garantir _ comme ils s’y sont engagés aux Nations Unies en septembre 2015 _ une éducation gratuite et de qualité à tous les enfants. En apprenant à tous, filles et garçons, à lire, écrire, compter, en faisant d’eux des citoyens et citoyennes autonomes et éclairés capables d’obtenir un travail rémunéré et décent, elle saura convaincre les familles de l’importance de l’éducation et les protégera des pièges du travail des enfants. 

¹ Travail des enfants : estimations mondiales 2020, tendances et le chemin à suivre, OIT et Unicef, 2021

² PNUD, 2022

³ Travail des enfants : estimations mondiales 2020, tendances et le chemin à suivre, OIT et Unicef, 2021

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