Genre : une étude pour mieux intégrer cette approche dans les projets d’Aide et Action

2 avril 2022

Crédit photo : Aide et Action

L’introduction d’une approche genre dans les projets de solidarité internationale permet d’agir plus efficacement pour établir une égalité femmes-hommes. Mathieu Cros, Responsable Recherche Évaluation et Capitalisation d’Aide et Action, nous parle de l’étude qui vient d’être lancée au sein de l’association.

Pouvez-vous nous dire quel est l’objectif de cette étude ?

Chez Aide et Action, nous travaillons sur l’accès à l’éducation des femmes et des filles depuis très longtemps, avec de nombreux projets sur cette thématique. Mais au-delà de l’accès à l’éducation et à l’alphabétisation des filles et des femmes, la question du genre se pose dans toute sa complexité.

Un petit rappel sur le genre : celui-ci se réfère aux rôles sociaux construits par la société et attribués aux femmes et aux hommes, et aux rapports sociaux entre femmes et hommes. Ces rôles et rapports dépendent de facteurs sociaux et culturels. Ils sont véhiculés (par les institutions, la famille, l’éducation…) et peuvent être modifiés et évoluer sous diverses influences (l’éducation, les lois, les technologies,…). Ces constructions sociales sont source d’inégalités entre les femmes et les hommes. Ceci se produit la plupart du temps au détriment des femmes, et a notamment des effets en matière éducative puisqu’elles ont globalement un niveau d’éducation plus bas et un taux d’analphabétisme plus élevé.

Un des axes transversaux prioritaire tel que défini dans nos orientations stratégiques pour la période 2020-2030 est l’autonomisation des filles et des femmes. Le questionnement de notre étude est très simple : comment fait-on pour que cette priorité devienne réalité dans nos projets ? Prendre en compte la question du genre aujourd’hui, c’est aussi questionner plus largement nos pratiques et les rapports sociaux fondés sur le genre dans notre organisation. On peut avoir un projet qui va promouvoir l’accès des filles à l’éducation, mais ça ne veut pas dire que dans la manière de mettre en œuvre le projet, on va être sensible au genre. Par exemple, peut-être que pour promouvoir l’accès des filles à l’éducation, on va s’appuyer sur l’association des parents d’élèves de l’école qui se trouve être trustée par des hommes. On va ainsi être coupés de la participation des mères sur le sujet de l’école.

L’objectif de notre étude est d’analyser nos pratiques actuelles, et d’en tirer des leçons pour améliorer la prise en compte du genre : cela pourra déboucher sur la création d’outils spécifiques, des actions de formation des équipes Aide et Action, etc.

Comment l’étude va se réaliser ?

Nous lançons l’étude sur des pays d’Afrique où la sous-scolarisation des filles est plus prégnante que sur les autres continents où nous intervenons. Aide et Action est présente en Afrique à travers de nombreux projets. Pour l’étude, nous avons décidé de sélectionner 4 projets qui nous semblent représentatifs de notre action sur 4 pays (Guinée, Bénin, Madagascar et Burkina Faso). Nous avons essayé d’avoir une diversité de contextes (sécurité…) et de types de projet (écoles primaires, formation d’adultes…).

L’étude se déroule en 3 phases. Elle démarre par une observation de nos pratiques actuelles. Puis intervient la phase de réflexion prospective destinée à déterminer les grandes priorités à la fois pour nos projets et dans nos pratiques internes. La dernière étape consiste en la mise en œuvre d’un plan d’action. Celui-ci est à horizon 2-3 ans et concerne les grands chantiers internes pour prendre en compte le genre (pratiques organisationnelles, ressources humaines, gestion des projets…).

Pour porter et suivre ce plan d’action, il est prévu au 2ème semestre 2022 de mettre en place un groupe de travail genre au sein d’Aide et Action avec des chantiers pour le reste de l’organisation. Celui-ci permettra entre autres le suivi et l’évaluation de nos actions.

Pouvez-vous nous dire deux mots de l’atelier qui s’est tenu à Conakry ?

Le premier projet visité a été Compétences pour demain en Guinée. Lors d’un atelier à Conakry, nous avons réuni les principaux acteurs du projet : bénéficiaires, mairie partenaire, équipe Aide et Action, associations partenaires… Nous avons tenté d’observer ce qui se joue en termes de genre sur ce projet et territoire. Que vivent les jeunes femmes et les jeunes hommes de la commune concernée en termes de genre ? Quelles sont les bonnes pratiques dans le milieu de la solidarité internationale que l’on pourrait mettre en œuvre pour mieux prendre en compte le genre dans le projet ?

Pour analyser les enjeux du genre, nous utilisons différents outils participatifs. Par exemple, l’arbre de la transform’action permet de questionner les rapports sociaux fondés sur le genre. Les racines représentent les causes profondes (stéréotypes, normes sociales…). Les fruits incarnent les impacts du système de genre. Les branches représentent quant à elles l’école, la famille, la communauté… Enfin, le tronc de l’arbre correspond aux mécanismes intermédiaires (de reproduction) sur lesquels on peut agir. Par exemple, à l’école, les enseignants peuvent véhiculer des normes de genre. On peut essayer de faire évoluer ces pratiques. On peut également constater le peu d’accès au crédit des femmes, ce qui les rend moins autonomes pour se lancer dans une activité professionnelle. Là encore, nous disposons de leviers pour agir. Cette métaphore de l’arbre fonctionne très bien avec des personnes peu formées ou habituées à la gestion de projet. Par le dialogue, cet outil peut aussi permettre une prise de conscience par les hommes du poids qui pèse sur les femmes.

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