Classes surchargées, manque d’enseignant.es, infrastructures dégradées… La Guinée doit relever des défis majeurs en matière d’éducation. Le 24 janvier 2025, à l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, Action Education a pu s’entretenir avec Fatoumata Dabo, la présidente du Conseil d’Administration de la Coalition Nationale Guinéenne pour l’Education Pour Tous (CNG/EPT). Composée de 30 organisations de la société civile, la CNG/EPT agit en faveur d’une éducation universelle, inclusive et de qualité. Rencontre.
Quels sont les défis majeurs liés à l’éducation en Guinée ?
Bien que la Guinée ait réalisé des avancées significatives en matière d’accès à l’éducation, le système éducatif reste confronté à des problèmes majeurs. Selon les données de 2023, le taux d’achèvement scolaire est de 83,8 %. Par ailleurs, on observe une inégalité persistante entre filles et garçons, un manque d’enseignant.es qualifié.es et des taux élevés de redoublement et d’abandon scolaire, en particulier chez les filles. D’autre part, les infrastructures scolaires sont souvent inadéquates et le système souffre d’un sous-financement chronique. De plus, les mariages précoces, les grossesses non désirées et les tâches domestiques constituent des obstacles considérables à l’éducation des filles. Enfin, le taux élevé d’analphabétisme, qui affecte particulièrement les femmes, aggrave la situation.
En quoi l’éducation est-elle un levier pour réduire la pauvreté, améliorer la santé et promouvoir la paix ?
L’éducation est un pilier fondamental pour le développement. Elle est un droit humain essentiel et un bien public indispensable à la réduction de la pauvreté, à la promotion de la santé et à la construction d’une société pacifique et équitable. Une population alphabétisée est non seulement capable de contribuer au développement de son pays, mais aussi de devenir économiquement autonome. Cependant, pour atteindre ces objectifs, il est impératif d’allouer un budget adéquat au secteur éducatif. Or, les investissements dans ce domaine en Guinée restent largement insuffisants.
Quel est le budget alloué à l’éducation en République de Guinée ?
Les États se sont engagés à consacrer entre 20 % et 27 % de leurs budgets nationaux à l’éducation d’ici 2030 depuis les Objectifs de Développement Durable (ODD) et selon les recommandations de l’UNESCO. Cependant, la Guinée est loin de cet objectif.
En 2023, le budget alloué à l’éducation en Guinée était de 13,6 %, contre un engagement de 15 % d’ici 2025. Malheureusement, en 2025, nous sommes toujours à ce même niveau. Cela a des conséquences dramatiques : des infrastructures dégradées, un manque d’enseignants qualifiés et une surcharge des classes. À l’intérieur du pays, certaines écoles fonctionnent encore sous des hangars, et des salles de classe abritent jusqu’à 100 élèves, rendant l’apprentissage extrêmement difficile.
Pouvez-vous citer un exemple d’école manquant d’infrastructures ou de ressources ?
Lors d’une récente mission dans une préfecture, nous avons constaté des écoles en très mauvais état. À Mandiana, une préfecture de la région de la Haute-Guinée, nous avons vu une école primaire qui manquait cruellement d’enseignants, de matériels didactiques et même de bibliothèques. Les écoles ne sont pas clôturées, exposant les élèves à la poussière et à d’autres dangers.
Cette situation est représentative de nombreuses écoles situées aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Les classes sont souvent surchargées, et dans certaines écoles, un seul enseignant gère plusieurs niveaux simultanément, faute de personnel.
Les principaux chiffres de l’éducation en Guinée* :
millions d'enfants ne sont pas scolarisés
%
: taux d’achèvement pour les filles, contre 70 % pour les garçons (école primaire)
%
des enfants de 10 ans sont incapables de lire et comprendre un texte simple
%
: taux d’analphabétisme (principalement chez les femmes rurales)
De plus, la taille moyenne des classes est alarmante : on compte souvent 60 voire 100 élèves par classe, compromettant ainsi la qualité de l’enseignement.
*Selon les données de l'UNESCO 2023
Quel a été le rôle d’Action Éducation dans la création de votre coalition ?
Action Éducation a joué un rôle fondamental dans la mise en place de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous en Guinée. Depuis sa création en 2000, grâce à l’appui d’Action Éducation, la coalition a pu regrouper des organisations de la société civile actives en matière d’éducation.
Ce partenariat a permis de mener des campagnes de sensibilisation sur l’importance de l’éducation inclusive et de renforcer les capacités des membres de la coalition. Jusqu’en 2022, Action Education a été le principal partenaire financier et technique de la coalition, contribuant significativement à son développement.
Quels sont les objectifs et résultats atteints par la coalition ?
La coalition s’est engagée dans des actions de plaidoyer pour augmenter le budget alloué à l’éducation, réduire les inégalités et promouvoir une éducation de qualité pour tous.
Par exemple :
- Des plaidoyers ont permis l’installation de rampes d’accès dans certaines écoles pour les personnes vulnérables.
- Des campagnes de sensibilisation ont été menées pour encourager la scolarisation des filles, avec le soutien de femmes modèles venues témoigner de leur parcours.
- La coalition participe désormais à toutes les réunions et consultations liées aux politiques éducatives nationales.
Quelques mots pour conclure ?
Je tiens à remercier Action Education et tous les partenaires pour leur appui constant. Cependant, nous appelons à des efforts accrus pour augmenter le budget de l’éducation et améliorer la qualité des infrastructures scolaires.
Il est temps d’adopter des stratégies et mécanismes innovants pour réduire le taux d’analphabétisme en Guinée. L’éducation est le socle du développement durable, et sans un investissement conséquent, nous ne pourrons pas relever les défis qui nous attendent.