Les progrès technologiques tels que les applications, les smartphones et l’intelligence artificielle, pour n’en citer que quelques-uns, ne doivent pas être considérés comme des solutions miracles pour les enfants marginalisés non scolarisés. Cependant, cela ne veut pas dire que l’accès à l’éducation ne devrait pas inclure le numérique, lorsque cela est possible. Parfois, il peut y avoir une course effrénée à la recherche de ce qui est nouveau et en vogue, et ce qui est connu est mis de côté.
Ainsi, la Journée mondiale de la bicyclette est l’occasion pour les décideuses et décideurs politiques et les actrices et acteurs de l’éducation du monde entier de rappeler les liens entre technologie ancestrale telle que la bicyclette, et développement durable, en particulier dans le cadre de l’objectif de développement durable (ODD) n° 4, l’éducation de qualité.
Le rôle des bicyclettes dans l’accès à l’éducation
La question qui se pose, ici, est celle du pragmatisme qui peut permettre la réalisation du droit fondamental à l’éducation.
Aujourd’hui, il convient de garder à l’esprit que, partout dans le monde, là où il y a des populations rurales, la distance entre le domicile et l’école peut constituer l’obstacle le plus redoutable à l’éducation. Dans certains pays en voie de développement, un enfant parcourt en moyenne de 3 à 10 kilomètres pour se rendre à l’école. Ce n’est pas rien. Dans de très nombreuses cas, les enfants font l’impasse sur le petit-déjeuner dans l’espoir d’arriver à l’heure à l’école.
Souvent, les enfants arrivent épuisés et en retard, ce qui peut compromettre leurs performances, leur confiance en eux et leur capacité à se concentrer sur l’apprentissage. Les enfants doivent aussi penser au trajet du retour et aux obligations qu’ils peuvent avoir pour subvenir aux besoins de leur famille après l’école.
En d’autres termes, au niveau primaire, « plus les enfants sont éloignés de l’école, moins ils ont de chances d’y aller ». Ce sont peut-être là quelques-unes des principales raisons pour lesquelles, de l’Afrique à l’Asie, le programme « Educate A Child (EAC) » d’Education Above All s’associe à des organisations telles que World Vision et Action Education, afin d’améliorer l’accès à une éducation primaire de qualité, ce qui inclut la distribution de bicyclettes aux enfants qui sont éloignés et doivent parcourir de longues distances pour se rendre à l’école.
« Les bicyclettes sont respectueuses de l’environnement et rentables. Ce n’est pas un mode de transport onéreux, ce qui présente de nombreux avantages pour les populations vulnérables », affirme Sydney Simubwa, Chef de projet chez World Vision Zambie.
En ce qui concerne « l’accessibilité », il ajoute que dans un pays où la distance moyenne entre les écoles est d’environ 10 kilomètres et où il n’y a pas de routes établies dans les zones rurales, « Un vélo est un outil puissant qui peut promouvoir le développement durable. »
La valeur ajoutée de l’utilisation des bicyclettes par les communautés rurales
Concernant la « valeur ajoutée » et l’utilité étendue, en particulier pour les enfants des zones rurales, Samphors Vorn, Directeur d’Action Education Cambodge, affirme qu’elles « apportent beaucoup » et mentionne également comment la bicyclette peut engendrer l’amitié, la compréhension mutuelle entre les gens, le respect de l’environnement, ainsi que soutenir la pratique des sports, les loisirs et les moyens de subsistance d’un ménage. Sur ce dernier point, Samphors Vorn explique que « Le matin, les enfants peuvent aller à l’école en utilisant le vélo, mais l’après-midi, ils peuvent l’utiliser pour aider la famille à récolter des cultures […] pour contribuer au revenu de la famille. »
Mais les avantages ne s’arrêtent pas là. David Mumo, spécialiste principal de l’éducation à Education Above All, ajoute : « Les bicyclettes aident les jeunes enfants, en particulier les filles, à se rendre à l’école en toute sécurité et sans crainte. Les enfants sont protégés des violences sexuelles et sexistes lorsqu’ils se déplacent en groupe. »
Les limites de l’utilisation des bicyclettes
Toutefois, l’utilisation des bicyclettes a ses limites. Sydney Simubwa attire l’attention sur le fait que les enfants issus des zones rurales devant parcourir quotidiennement plusieurs kilomètres à pieds pour se rendre à l’école et en revenir, peuvent également être confrontés à toute une série d’autres obstacles, comme la pauvreté, le changement climatique, la sécheresse et l’insécurité alimentaire, en particulier si leurs parents pratiquent l’agriculture de subsistance, ce qui est souvent le cas en Zambie. « Il s’agit d’apprendre à connaître l’enfant à qui l’on enseigne. », déclare Sydney Simubwa. Il ne fait aucun doute que les actions qui prennent en compte l’ensemble des paramètres du quotidien de l’enfant sont essentielles.
Il n’est pas surprenant que, lorsqu’on leur demande comment l’enfant non scolarisé et/ou l’enfant vulnérable issu des zones rurales du Cambodge et de la Zambie s’en est sorti à l’époque du COVID-19 où les systèmes éducatifs sont devenus virtuels, Samphors Vorn et Sydney Simubwa mentionnent tous deux les conséquences dévastatrices de la « perte d’apprentissage » qui s’est produite dans leur pays respectif. Ils soulignent que les enfants déjà marginalisés étaient encore plus désavantagés par les initiatives qui rendaient l’éducation purement numérique. Tous les parents ne disposaient pas d’un smartphone ou n’ont pas les moyens de s’offrir un accès stable à Internet pour aider leurs enfants à continuer d’apprendre.
L’intégration des technologies modernes dans le système éducatif
À noter qu’en examinant l’usage des bicyclettes à une époque où l’intelligence artificielle et d’autres avancées technologiques se développent, Samphors Vorn et Sydney Simubwa semblent tous deux appeler, à des degrés divers, à une approche mesurée. Bien que « l’intégration » technologique doit être recherchée là où elle a du sens, la recherche d’un « équilibre entre l’accès et la qualité » devrait être le principe directeur, notamment en ce qui concerne la formation d’enseignants efficaces, la « réforme scolaire », le « programme » et la « méthodologie », selon Samphors Vorn.
D’autre part, Sydney Simubwa, tout en n’ignorant pas totalement la valeur de la technologie en termes d’accès et de qualité pour les enfants zambiens les plus éloignés, maintient qu’à l’heure actuelle, des mesures aussi conséquentes sont un peu « tirées par les cheveux ». Il souhaite plutôt mettre l’accent sur la mise en place d’une « infrastructure de qualité », de « matériel d’apprentissage » et sur le « développement des capacités des enseignants ».
Finalement, les technologies modernes ont toute leur place dans les salles de classe, mais il convient d’éviter d’en faire la panacée pour combler les lacunes en matière d’accès et de qualité dans le secteur de l’éducation. Après tout, des études montrent que le fait de « court-circuiter les enseignants » en faveur d’une dépendance stricte à la technologie ne produit pas de meilleurs résultats d’apprentissage pour les élèves.
Cependant, en ce qui concerne l’agenda mondial pour le développement durable et le rôle positif que joue l’ODD 4 sur l’éducation de qualité, la simplicité de la bicyclette pourrait bien être irréprochable.
Par Derek Langford, Samphors Vorn et Sydney Simubwa