Les Enseignants au tableau d’honneur !

Crédit photo : Vincent Reynaud-Lacroze

Face à la pandémie de la COVID-19, les enseignants ont fait preuve d’une abnégation sans nom pour éviter le décrochage scolaire de millions d’enfants. Leur rendre hommage en cette Journée Mondiale des Enseignants (5 octobre 2020) est donc incontournable et amplement mérité. Mais des mesures urgentes et essentielles sont attendues pour leur donner enfin les moyens de devenir les piliers d’un système éducatif inclusif et de qualité. 

 

La Covid-19 fait partie de ces crises, qui prennent tout le monde de court et pour lesquelles il n’existe ni manuel, ni mode d’emploi. Au pire moment de la pandémie, alors que 1.6 milliards d’enfants se retrouvaient du jour au lendemain privés d’éducation,  plus de 63 millions d’enseignants (primaire et secondaire) dans le monde ont dû faire face aux conséquences immédiates de la pandémie avec professionnalisme et courage.  Dur aujourd’hui d’envisager un hommage à la hauteur de l’engagement de ces hommes et de ces femmes, qui ont su relever d’innombrables défis pour permettre à des millions d’enfants et de jeunes d’apprendre. Et pourtant les enseignants de tous pays le méritent plus que jamais. 

Un hommage sans pareil 

Loin d’être des personnels formés pour intervenir en situation de crise, les enseignants ont pourtant su s’adapter dans l’urgence, réfléchir et innover pour maintenir un apprentissage à distance, travailler d’arrache-pied pour adapter leurs enseignements au contexte, à de nouvelles pratiques et à des enfants aux niveaux très hétérogènes. Ils ont également dû assurer la diffusion de leurs enseignements au plus grand nombre, apprivoiser les ressources numériques ou parfois innover pour atteindre des publics privés de connexions internet ou d’outils informatiques. 

Et beaucoup l’ont fait dans de mauvaises conditions : sans formation, sans matériel adéquat, sans ressource, sans connexion internet, sans soutien ou conseil de leur hiérarchie et à l’aveugle. Mais en dépit des conditions plus que difficiles, les enseignants ont relevé leurs manches et assuré jusqu’au bout leur mission. Les enseignantes, majoritaires, ont fait preuve d’un plus grand courage encore : en plus de leur travail, elles ont dû assumer l’intégralité des tâches ménagères et la garde de leurs enfants tout en enseignant depuis chez elles. 

Des enseignants souvent délaissés

Les équipes d’Aide et Action qui ont accompagné les enseignants durant toute cette période ont pu constater leur courage et détermination. Ils n’ont compté ni leurs heures, ni leurs efforts pour garantir au maximum d’enfants confinés l’accès à une éducation de qualité. Au nord du Cambodge, nos équipes les ont accompagnés en pleine pandémie afin qu’ils enregistrent leurs cours pour qu’ils soient diffusables sur internet, à la télévision ou encore à la radio. Et pour que les enfants les plus pauvres et vulnérables, ceux privés de toute connexion ou outils numériques, aient également accès à une continuité pédagogie, les enseignants ont également eu recours aux téléphones portables et aux applications comme Whatsapp ou Messenger.  Au Vietnam, sur les conseils de nos équipes, ils ont eu recours à la vidéo. Les enseignants ont ainsi demandé aux familles les plus démunies de filmer leurs enfants alors qu’ils lisaient ou révisaient leurs leçons et de les leur envoyer afin de juger par eux-mêmes des apprentissages et du travail des enfants et leur prodiguer au cas par cas des conseils adaptés. Au cours des derniers mois – et pour beaucoup cela n’est encore pas terminé -, enseignants et enseignantes ont donc fait de la flexibilité et de l’adaptation les maître-mots de leur enseignement depuis mars 2020 et pour cela, ils méritent sans conteste notre admiration. 

Des « soldats » envoyés au front

Alors, bien sûr, il y a eu de nombreux éloges et remerciements pour les équipes enseignantes et beaucoup de parents ont mieux compris la réalité de ce travail « pas si facile que ça ». Mais au-delà des belles paroles, les actes manquent. Avant la pandémie, les conditions de travail des enseignants étaient déjà difficiles (manque de matériels, classes surchargées, manque de respect, hausse des incivilités, absence de formation adéquate…), la crise sanitaire n’a fait qu’empirer les choses. Et aujourd’hui le risque est grand de voir bon nombre d’enseignants jeter l’éponge, fatigués par des mois de mobilisation et découragés par le manque de considération et d’écoute auxquels ils ont pourtant droit. 

Dans les pays du sud, suite à la pandémie de la COVID-19, les gouvernements risquent fort de privilégier les investissements dans la santé ou l’économie et de réduire encore davantage les budgets alloués à l’éducation : certains ont déjà commencé à ne plus payer les salaires des enseignants, dans d’autres ils les réduiront probablement dans les semaines à venir. Ils n’hésiteront pas à rogner sur la formation des enseignants, à recruter encore davantage de vacataires sans formation ni qualification pour assurer un semblant de continuité scolaire au détriment de la qualité de l’éducation. Sans ressource adéquate, la réouverture des écoles ne se fera alors pas dans des conditions optimales : les enseignants accueilleront des enfants traumatisés par des mois de confinement, ayant besoin de soutien psychologique et scolaire pour éviter un décrochage définitif. Mais sans moyen adéquat, les professeurs ne pourront pas leur apporter la réponse éducative adaptée pour éviter qu’une génération entière d’enfants ne soit sacrifiée sur l’autel de la COVID-19.

Construire le « leadership » enseignant

A l’heure où une reconstruction du système éducatif s’impose, l’enseignant ne peut plus (il n’aurait jamais du l’être a fortiori) se contenter d’être la main ouvrière de décisions ministérielles. A Aide et Action, nous estimons qu’il est un rouage clef dans la reconstruction d’un système éducatif résilient et durable et que son rôle moteur dans sa classe et dans l’établissement doit être renforcé. 

L’enseignant  est celui qui montre le chemin vers la connaissance. Il est à la fois transmetteur de savoir, rôle modèle et bâtisseur d’esprit, en première ligne avec les adultes de demain. Lui seul sait, connaît, a mis en pratique ses connaissances et peut attester de ce qui marche ou non, et de ce qu’il est possible de faire. En conséquence, il est indispensable que son expérience et son savoir-faire soient mis à contribution pour créer les pédagogies et les programmes les plus adaptés. Liberté et soutien doivent lui être accordés pour accompagner –ramener sur le chemin de l’éducation- l’ensemble des élèves et pour qu’aucun ne soit plus jamais laissé sur le bord de la route. 

 Ce rôle moteur des enseignants ne doit pas uniquement s’appliquer à « l’enseignement et aux programmes, mais également à la gouvernance, à l’efficacité, à la coordination effective, au suivi et à l’évaluation de l’apprentissage et de la réussite des élèves » comme le déclarait déjà la Déclaration d’Incheon en 2015.  Pour autant, le temps passe et comme le souligne cette année l’UNESCO à l’heure de la Journée Mondiale des enseignants la question du leadership enseignant a été largement négligée. La crise de la COVID-19 nous montre à quel point il n’est aujourd’hui plus possible d’attendre pour donner enfin à l’enseignant la place et la reconnaissance qu’il mérite : l’atteinte d’une éducation de qualité et inclusive pour toutes et tous en dépend.

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