Crédit photo : Christine Redmond
Alors que les moyens de subsistance en Asie du Sud-Est continuent d’être suspendus pour de nombreuses communautés à cause de la pandémie mondiale actuelle, les populations les plus vulnérables sont les plus durement touchées. Les enfants, premiers concernés, sont de plus en plus exposé au risque de travail.
La Banque asiatique de développement (BAD) estime que la crise de COVID-19 menacera l’emploi de 68 millions de travailleurs à travers l’Asie si elle perdure jusqu’en septembre. Cette situation, couplée à la fermeture massive d’écoles dont nous sommes témoins en ce moment, n’a pas de précédent historique dans la région. Même si l’ampleur de l’impact reste à mesurer, une chose est sûre : plus la pauvreté mondiale augmente, plus la prévalence du travail des enfants augmentera également.
Les taux de pauvreté augmentent
Cette crise menace d’annuler les décennies de progrès dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. L’ONU constate que « les effets néfastes de cette pandémie ne seront pas répartis également […]. Ils devraient être les plus dommageables pour les enfants dans les pays les plus pauvres, et dans les quartiers les plus pauvres, et pour ceux qui se trouvent déjà dans des situations défavorisées ou vulnérables ».
Au Vietnam, les effets du COVID-19 pourraient doubler les taux de pauvreté, le faisant passer de 18% à 31% parmi les ménages dont les revenus proviennent de produits manufacturés ou importés (UNICEF). La dépendance de l’économie du pays à l’égard du tourisme, de l’agriculture et du secteur informel la positionne comme l’une des économies les plus vulnérables aux crises mondiales. L’économie cambodgienne est confrontée à une situation similaire, les usines de confection ayant suspendu la production et l’exportation et le tourisme étant en fort déclin. En effet, la perte de revenus provenant uniquement du secteur touristique au Cambodge est estimée à environ 3 milliards de dollars cette année.
Le travail des enfants comme mécanisme d’adaptation
En conséquence, le travail des enfants pourrait devenir un mécanisme d’adaptation important pour les ménages tombant dans la pauvreté en raison du COVID-19. À Phnom Penh, au Cambodge, Oun Kim Ly, mère de trois enfants, nous dit qu’elle a du mal à répondre aux besoins de ses enfants. « Avant, je gagnais 2,50 dollars par jour en récupérant le plastique dans les rues, mais maintenant le marché a disparu et je ne peux plus obtenir le même revenu », explique-t-elle.
De 18 h à minuit, chaque jour, Ly amène ses enfants avec elle pendant qu’elle travaille en espérant que, non seulement ses enfants soient plus en sécurité avec elle qu’à la maison, mais qu’ensemble, ils pourraient vendre suffisamment de plastique pour couvrir leurs besoins quotidiens.
La voisine de Ly, Hoat Chana est également en difficulté et a bénéficié de notre projet de distribution alimentaire d’urgence au cours des trois derniers mois. Chana a six enfants à nourrir, âgés de six mois à 12 ans. Le mari de Chana est chauffeur de tuk-tuk mais depuis que le tourisme a chuté, il n’est plus en mesure de travailler. « Nous ne pouvons pas prendre soin de tous nos enfants, explique Channa. Certains d’entre eux vendent de la nourriture, ce qui nous permet d’avoir assez d’argent », ajoute-t-elle.
Le droit des enfants à l’éducation doit être respecté
Plus les écoles restent fermées longtemps, plus les enfants risquent de tomber dans le travail et de ne jamais rattraper leur retard scolaire. Au Cambodge, nous anticipons le besoin d’intensifier nos programmes d’apprentissage accéléré et nos cours de rattrapage existants pour garantir que les enfants, les plus susceptibles d’abandonner ou de ne pas retourner en classe, reçoivent le soutien dont ils ont besoin.
Les fermetures d’écoles et l’augmentation des taux de pauvreté augmentent également la vulnérabilité des enfants à la traite des êtres humains et les filles au mariage précoce. Alors que certaines économies sont à l’arrêt et que les pertes d’emplois se multiplient, il existe un risque que les trafiquants profitent de la situation et offrent de fausses opportunités d’emploi aux plus vulnérables. Face à ce danger, nous pensons que l’éducation est le meilleur outil pour sensibiliser aux risques et aux conséquences de la traite des êtres humains. C’est pourquoi nous avons repris nos activités au Vietnam pour agir sur ce problème.
Nous avons également repris nos projets existants qui visent à la création de meilleures opportunités de subsistance pour les populations des minorités ethniques au Laos et au Vietnam – où les écoles ont maintenant rouvert. Nous pensons qu’il sera essentiel de mettre l’accent sur les compétences professionnelles, l’orientation professionnelle et les moyens de subsistance pour bâtir des sociétés plus égalitaires et inclusives après la pandémie et pour aider les populations vulnérables à renforcer leur résilience face aux crises.