« Il me semble impérieux de préserver la vie des apprenants »

Crédit photo : Aide et Action

Après plus de deux mois de fermeture des écoles, universités et centres de formation pour cause de pandémie de COVID-19, certains gouvernements africains ont annoncé la reprise des activités pédagogiques. Pourtant la courbe de la contagion est toujours ascendante dans la plupart des pays du continent. Bonne initiative des gouvernements ou prise de risque inconsidérée pour la santé du monde éducatif ? Voici l’analyse de Charlemagne BIO, responsable des programmes à Aide et Action. 

Que pensez-vous de la décision de reprise des activités pédagogiques par certains pays africains alors que la courbe de contagion du COVID-19 est toujours ascendante ?

Je pense qu’il est très risqué de reprendre les activités pédagogiques dans les conditions classiques des écoles. Personnellement, je n’encouragerais pas l’ouverture des classes dans un contexte de non maîtrise du flux de propagation du virus et d’accroissement constant du nombre de nouvelles contagions. Même si la plupart des gouvernements prévoient la mise en place des mesures barrières au sein des établissements scolaires, il est difficile de les faire respecter par les élèves pour deux principales raisons. La première est l’insouciance des élèves liée à leur âge (le terme n’est pas utilisé au sens péjoratif) qui ne garantit pas le strict respect des règles, même si les enseignants sont invités à exercer un suivi strict de ceux-ci. La deuxième est la non maîtrise de l’itinéraire réel des enfants de leur maison à l’école et vice-versa. Si certains privilégiés sont transportés par leurs parents, la majorité des apprenants se déplacent sans accompagnant.

Quels devraient être les prérequis pour une réouverture des établissements scolaires ?

La seule condition valable serait la maîtrise totale du flux de propagation dont les indicateurs principaux devraient être la baisse significative. Il faut donc renforcer les mesures sanitaires qui permettent de limiter la propagation. Actuellement, elles ne semblent pas suffisantes puisque la situation ne s’améliore pas. Les pays qui ont levé les mesures restrictives ont vu doubler le nombre de nouvelles contaminations. 

Maintenant que la décision est prise, que faut-il comme mesures d’accompagnement ?

Elle est certes prise mais il faudrait dissuader les gouvernements de la mettre en œuvre. Si c’est une décision non négociable, alors il faut penser à une autre stratégie qui permette de continuer les activités académiques sans forcément ouvrir les portes des écoles et des centres de formation. Il est nécessaire de poursuivre les activités académiques mais il me semble impérieux de préserver la vie des apprenants. Chez moi on dit que  » quand le tam-tam change de rythme, les danseurs changent de pas ». Le COVID-19, dans sa radicalité, nous amène à sortir des sentiers battus et repenser l’éducation autrement.  

En tant qu’Association de développement par l’éducation, quel rôle Aide et Action peut jouer ?

Je pense qu’Aide et Action peut agir à trois niveaux. 1 – renforcer la sensibilisation des communautés sur l’hygiène et la santé ainsi que sur la nécessité d’observer les mesures barrières ;  2 – accompagner les États dans la mise à disposition d’équipements de prévention types dispositif de lavage des mains, masques, gel, savons, etc ; 3- proposer la poursuite des activités académiques au sein des foyers grâce à un accompagnement adapté. Le système de remédiation scolaire style  »foyers ardents » pourrait être expérimenté ici. Tout le corps enseignant, de même que les bénévoles et les communautés devraient se mobiliser pour développer une telle alternative dans l’offre domestique de l’éducation. 

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