Le monde compte 770 millions d’adultes analphabètes, 250 millions des 15-24 ans sans formation, diplôme ni qualification et 250 millions d’enfants non-scolarisés. Pour celles et ceux qui vont à l’école, la qualité des apprentissages n’est pas au rendez-vous. 2 enfants sur 5, soit près de 392 millions d’enfants, qui commencent l’école aujourd’hui, ne sauront pas lire ou comprendre un simple texte à l’âge de 10 ans. En France, ils sont plus de 100 000 à ne pas être scolarisés et près d’un élève sur trois en CE1 ne possède pas une maîtrise satisfaisante de la lecture de mots et 17 % de la compréhension de textes (Etude PIRLS, mai 2023). Dans un contexte mondial de violations et de régressions des droits humains, le droit à l’éducation n’est clairement pas épargné. Pire, il semble même sacrifié : les chiffres sans cesse plus alarmants se succèdent depuis des années, sans pour autant provoquer de réaction d’urgence. Etonnant quand on sait que chaque année d’éducation supplémentaire réduit pourtant le risque de violences et de conflits d’environ 20 % (Banque Mondiale).

L’éducation pour toutes et tous, ce droit universel, absolu, inscrit dans la Déclaration des droits humains et réitéré dans la Convention relative aux droits des enfants, est devenu au fil du temps, et bien malgré lui, relatif, repoussable au gré des urgences, des crises et des conflits. Objectif du millénaire, fil d’or, clef du développement durable… De sommet en sommet, de Dakar à New York en passant par Paris, l’éducation fait pourtant l’unanimité : elle suscite l’engagement des dirigeants politiques qui affirment y voir une priorité. Mais in fine, la promesse reste vaine et l’atteinte d’une éducation de qualité accessible à toutes et tous est repoussée à des temps plus propices.

Mais comment expliquer cet échec – car il faut le nommer ainsi – à celles et ceux qui attendent, à ces millions d’enfants, jeunes et moins jeunes, laissés de côté, à jamais privés de la possibilité d’apprendre, de se construire, privés également du pouvoir d’agir, d’expression et de participation ? Car oui, être privé d’éducation aujourd’hui, c’est être privé de ses droits les plus fondamentaux, de la capacité de se soigner, de se loger, d’avoir un emploi, mais également de défendre ses droits et de les revendiquer.

Il y a bien sûr eu des progrès, des prises de conscience et des mobilisations ponctuelles, notamment lors de la pandémie de COVID-19 quand maintenir une continuité pédagogique, y compris dans les pays les plus développés, est devenue une urgence absolue, « quoi qu’il en coûte ». Mais l’urgence s’est rapidement essoufflée et la réalité de l’économie mondiale a rattrapé l’ambition de lutter contre la pauvreté des apprentissages. Les Etats ont revu leur budget d’éducation à la baisse, et la coopération internationale a revu sa copie : après un pic en 2018, l’aide internationale à l’éducation a chuté de près de 7% entre 2020 et 2021. Quant à l’éducation en situation d’urgence, pourtant reconnue quatrième pilier de l’action humanitaire, elle reste l’éternel parent pauvre (1.1 milliard de dollars dédié en 2022 contre 3.3 milliards de dollar de besoins estimés). Dans ces conditions, quelle autre issue aurait donc pu connaître la crise des apprentissages ? Pas la peine d’être hypocrite : nous connaissions l’ampleur du problème ainsi que les moyens de le résoudre mais nous n’avons rien fait, ou trop peu.

Ce 24 janvier, Journée internationale de l’éducation, créé en 2019 par les Nations unies pour célébrer le rôle de l’éducation dans la promotion de la paix et le développement, est une opportunité unique d’appeler à une mobilisation sans précédent. Mais les beaux discours ne suffiront pas, les demi-mesures non plus : l’éducation pour toutes et tous doit devenir une cause mondiale, un bien commun, un service de base aussi essentiel que l’accès à l’eau ou à la nourriture. Et les expériences, programmes, politiques ayant fait leurs preuves au cours des dernières décennies doivent être mises en œuvre séance tenante.

Aujourd’hui, Action Education appelle les Etats à garantir l’accès à une éducation gratuite, inclusive, publique et de qualité pour toutes et tous tout au long de la vie et à y allouer, sans délai, les moyens humains et financiers nécessaires pour que les apprentissages soient au rendez-vous dès le plus jeune âge. Oui, cela aura un coût non négligeable mais sera-t-il seulement comparable au prix à payer pour un monde condamné à l’ignorance, à la pauvreté, aux inégalités, aux violences et aux conflits ? Au vu des crises qui nous menacent, qu’elles soient climatiques, sécuritaires, sanitaires, économiques et qui ne manqueront pas de se produire, l’éducation n’est plus seulement un droit. Elle est notre devoir, à nous tous, décideurs publics, société civile, et entreprises pour construire une société verte, juste et pacifiée. Il en va de notre responsabilité commune et de l’avenir du monde.

Gilles Delecourt, Directeur Général de l’ONG Action Education

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