COVID-19 : les pertes d’apprentissages plus lourdes chez les enfants les plus vulnérables

La fermeture des écoles et les longs mois de confinement imposés par la COVID-19 ont entraîné chez tous les enfants des pertes d’apprentissages conséquentes. Les enfants issus des communautés les plus vulnérables et marginalisés ont été plus sévèrement touchés que les autres, indique le nouveau rapport publié par Aide et Action à l’occasion de la Journée Internationale de l’Éducation.

« Covid-19 : son impact sur les enfants migrants du Tamil Nadu » présente les résultats d’une étude menée de janvier à octobre 2021 en Inde sur 466 enfants migrants, ayant subi de plein fouet les différents confinements et mesures de restrictions sociales imposées par la pandémie de la COVID-19. La conclusion est sans appel : sur 466 enfants interrogés, 272, parmi lesquels 160 filles, n’ont eu aucun accès à l’éducation durant le confinement. Ces enfants, parmi les plus exposés au décrochage et à l’abandon scolaire, n’ont littéralement pas étudié durant les 20 derniers mois. Le risque est grand désormais de ne jamais pouvoir les remettre sur le chemin de l’éducation. 

Des enfants plus que vulnérables

L’Inde compte près de 100 000 enfants dits migrants : ils suivent leurs parents, qui n’ont d’autres solutions pour survivre que de quitter leurs villages natals pour rejoindre les grands centres urbains et travailler dans les secteurs en pleine expansion comme la construction ou le textile. Les familles logent dans des bidonvilles à proximité des lieux de travail. Dans ce contexte de pauvreté extrême, les enfants sont rarement réinscrits dans les écoles publiques des États indiens où ils s’installent, notamment en raison de la langue d’enseignement qu’ils ne parlent pas. La plupart du temps, ces enfants sont soit mis au travail ou reçoivent l’appui d’organisations de développement, comme Aide et Action, qui a construit sur ces lieux mêmes où travaillent les parents des centres d’accueil permettant la prise en charge quotidienne des enfants. Des professionnels de l’enfance les y encadrent et leur garantissent un accès à l’apprentissage mais également à la nourriture, aux soins et au jeu. Mais comme tous les pays, l’Inde, face à la progression de la COVID-19, a été contrainte de confiner et a mis en place des alternatives pédagogiques, notamment numériques. Malheureusement, ces enfants déjà très vulnérables en ont majoritairement été exclus du fait du manque d’accès aux outils numériques

Isolés et exposés aux pires abus

Confrontés de plein fouet à la fracture numérique, ces enfants se sont retrouvés isolés, sans appui, sans aide extérieure possible. Habitués à vivre dans des bidonvilles, sous des tôles de fer, les enfants ont vécu des mois durant dans des conditions déplorables, enfermés dans des pièces de quelques mètres carrés, à 10 ou à 15, par des chaleurs extrêmes pouvant atteindre 45 degrés. Un tel environnement les a bien sûr privés de tout apprentissage mais également de tout bien-être, amusement et épanouissement. Ils n’ont pas eu accès à l’eau potable, ni à des sanitaires, ni même à du simple savon. Sur 466 enfants interviewés, la moitié à peine (49%) a répondu avoir eu des masques à porter, seulement 42% ont dit se laver les mains, 37% à peine ont dit respecter les distanciations sociales. Sans accès à l’école, ces enfants ont perdu pendant des mois tout accès à des services de santé et de nutrition, à des professionnels de l’enfance capables de les protéger des violences et abus. La crise a particulièrement affecté leur santé mentale : 215 enfants ont rapporté avoir passé leur journée à errer dans les bidonvilles, 40% ont pris l’habitude de dormir un maximum de temps. 32% ont expliqué avoir regardé la télé durant le confinement.  Près de 10% ont expliqué avoir suivi leurs parents sur leur lieu de travail et les avoir aidés, 15% ont rapporté avoir été confrontés aux mariages précoces, 25% ont été mis de force au travail et 16% ont rapporté avoir été victimes de violences physiques et mentales.  Aujourd’hui, la plupart de ces enfants restent traumatisés par cette période de confinement et éprouvent un profond mal-être

Nos recommandations

La crise de la COVID- 19 a exacerbé les inégalités profondes du système éducatif indien. L’Etat a failli dans sa mission de scolariser tous les enfants de 9 à 14 ans comme le prévoit la loi.  Plus les écoles sont restées fermées, plus les enfants migrants ont été privés de leurs droits fondamentaux, enfermés dans des lieux extrêmement exigus où rester assis ne serait-ce qu’une heure est impossible.  Face à une telle situation, Aide et Action tire la sonnette d’alarme et demande la mise en œuvre d’un plan sur le long-terme pour répondre aux besoins spécifiques de ces populations traumatisées. 

Nous demandons : 

  •  l’application et la garantie absolue du droit à l’éducation pour tous, sans exception ni discrimination avec, par exemple, la création d’école à proximité des lieux de vie de ces enfants avec la présence d’enseignement parlant leurs langues natales,
  • la préparation d’un retour à l’école pour ces enfants avec une reconnaissance et une étude précise des pertes d’apprentissages et du niveau exact des élèves au moment de la réouverture des écoles. 
  • Une formation et un appui aux enseignants afin de les former à de nouvelles pédagogies et capacités psychosociales pour répondre aux besoins des enfants ayant vécu des traumatismes, violences sexuelles et physiques.
  • Enfin, nous appelons le gouvernement à fournir une réponse globale et multisectorielle en partenariat avec la société civile et les entreprises, et les organisations communautaires

Tous nos constats et recommandations sont à découvrir (en anglais uniquement) dans « Impact of the COVID-19 on the Learning of Migrant Children in Tamil Nadu », Aide et Action, Action Aid, Arunodhaya, Tamilnadu Alliance, Institute of Human Rights Advocacy Chennai, Novembre 2021.

Sur le même thème :

Burkina Faso : libérer la parole pour lutter contre les inégalités de genre

Burkina Faso, libérer la parole, sensibilisation

A l'occasion de la Journée internationale des droits des enfants (20 novembre), Action Education rappelle qu'être informé et participer sont déterminants pour garantir les droits des enfants. Au Burkina Faso, plusieurs jeunes filles que nous accompagnons sont confrontées à de nombreuses difficultés dès l'arrivée de leurs premières règles. L'atelier que nous avons co-organisé leur a permis de revenir sur les inégalités et discriminations qu’elles subissent et de montrer que parler ouvertement des tabous leur garantit un accès à leurs droits sexuels et reproductifs. 

Lire la suite

Droits de l’enfant : Vanessa Martin à l’antenne de 8 milliards de voisins – RFI

rfi 8 milliards de voisins

À l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre, Emmanuelle Bastide a donné la parole à Vanessa Martin, Responsable des prises de paroles publiques et du plaidoyer chez Action Education, dans l'émission 8 milliards de voisins de RFI. A l'antenne, elle affirme que l'Afrique subsaharienne est l'une des régions les plus touchées au monde par les attaques des groupes armés non étatiques, prenant pour cibles les écoles, les enfants et le personnel éducatif. Face à cette situation sécuritaire et à ces violations graves des droits de l’enfant, comment renforcer la résilience du système éducatif ? Découvrez l'exemple concret du dispositif« Safe School » mis en place par l'UNICEF et Action Education dans les zones à risque.

Lire la suite

Les projets liés :

fr_FR